Tentative du 28 septembre - Interview de Stéphane Rousson L'entraînement au Hangar d'Ecaussevile

1ère tentative de traversée

 
Dimanche 28 septembre, le ballon, piloté par Stéphane, décolle de la plage de Hythe (près de Douvres). Il aurait normalement dû se poser sur la plage de Wissant (Pas-de-Calais). Mais la météo n’a pas été favorable jusqu'au bout. Stéphane a en effet été stoppé à 10 milles nautiques (environ 18 km) des côtes françaises par des vents contraires.

Nous avons interviewé Stéphane, voici ses impressions sur cette tentative :
 
Peux-tu nous dire un mot sur tes préparatifs :

Pour cette 2ème tentative j’étais plus zen que pour la première. J’ai eu beaucoup moins de pression de la part de mon sponsor AREXA. C’était vraiment agréable de travailler avec eux car il n’y avait pas d’objectif commercial. Et puis surtout j’avais un hangar sur le parking du terrain de vol, près de l’hôtel. (photos de droite et gauche)

On n’était pas obligé de gonfler le ballon au dernier moment, ce qui est difficile à gérer. Avec le hangar, on gonfle la veille, on peut dormir tranquille, c’est beaucoup plus reposant et moins stressant.
     
Sur ton ballon il y a un sponsor en moins :
Mon premier sponsor, DKN n’a pas souhaité continuer l'aventure. Mais il m’avait permis de faire la première tentative. Avec Arexa, les rapports sont différents. Arexa, qui est plus un mécène qu’un sponsor, a loué un bateau, contacté les équipes de TF1, France 3, et nous a rejoint en mer.
Mr Edouard van den BROEK - Président d'Arexa - commente « A travers ce projet nous affirmons notre soutien à la mise en œuvre d’une sacrée performance technique et humaine qui me réjouit étant un admiratif inconditionnel de la performance, que ce soit au niveau individuel ou collectif, dans le domaine du sport ou du travail en équipe. »
 
 
Comment s’est passé ton départ ?
Nous avons gonflé la veille, car la météo s’annonçait vraiment bonne pour la journée du 28. Donc on gonfle le ballon, on fait des essais le soir, jusqu’à minuit à peu près, tout va bien. Je voulais partir vers 4h du matin. Mais en consultant la météo, ils annonçaient du vent pour 4h. On s’est quand même levé vers 4h pour vérifier la météo, il y avait effectivement du vent. Les bateaux d’assistance étaient près. On a fait le point avec les 2 pilotes du bateau qui connaissent bien le coin, la marée basse était prévue pour 7h30. Il y avait alors des chances que le vent chute vers 7h30. C’est effectivement ce qui s’est produit. On a donc pu se préparer pour partir.
 
Ce qui est important au départ c’est de pouvoir faire ta balance : balancer ton ballon, voir comment tu réagis, il ne faut donc pas avoir de vent au départ, pour l’équilibrage du ballon. Au départ, il y avait un peu de vent, des petites risées.
Par rapport à la fois dernière, ou on n’a pas pu prendre le départ, j’avais changé le guiderope (*) de place, en le mettant de façon à ce qu’il traîne un peu plus, en prévision d’un peu de vent. Finalement on a trouvé une zone ou il y avait une étale sur la plage de Hythe. J’ai pu faire la balance et m’engouffrer tout de suite dans ce trou sans vent. J’ai pu faire mes réglages, un départ tranquille et l’équilibre en vol.
Après 20 mètres, à un moment je suis tombé à l’eau, j’étais un peu trop lourd. Les gens présents étaient un peu surpris, ils ont du se dire «
il vient juste de faire 20 m et il est déjà dans l’eau. » Mais j’ai pu redécoller tout de suite. Ce qui était important pour moi, c’était vraiment de prendre le départ.

(*) Le guie rope marine est un tuyau souple en toile étanche qui agit comme lest. Il se remplit et se vide automatiquement en fonction de l’allégement ou de la lourdeur du ballon et permet de maintenir le ballon à une bonne altitude.
   
Peux-tu nous donner des informations ton altitude et ta progression ?

Il faut voler assez bas par rapport au vent. Entre 10m et 50m le vent peut être complètement différent. Le vent qui me convenait était bas et c’est aussi une question de gestion du gaz. Moins je monte en altitude, moins j’ai de variations, moins j’ai de compensation à faire sur le gaz. C’est aussi un confort de gestion du vol.
Pour cette traversée, j’évalue mon
altitude entre 6m et 20 m. En fait, je n’arrête pas de monter et descendre. Quand il y a peu de vent, tu es très instable, tu passes de 1 nœud à 2 nœuds, à un endroit la température remonte, etc… Mais le guide rope stabilise ta hauteur dans ces moments là, c’est son utilité.
Dans ce vol,
ma moyenne a été autour de 3 à 4 nœuds. En fait, au début, j’allais très vite car j’avais un vent favorable de 3 nœuds dans le dos. Et même avec le guiderope qui me ralentissait un peu, la vitesse la plus élevée que j’ai faite est de 7 nœuds.
Après réflexion, je n’aurais pas dû utiliser ce guiderope. Il m’a fait perdre du temps en me ralentissant énormément. Sans lui j’aurais pu faire la traversée en 4 heures.
   
As-tu été gêné par les cargos ?
En fait, ça impressionne les gens, mais j’avais déjà volé dans la rade de Toulon avec des bateaux à coté. Ca ne devient gênant que si je n’ai plus du tout de contrôle avec le vent. Mais là c’était une journée super, tout le long de la traversée j’ai eu un vent de 3 nœuds maximum. Avec 3 noeuds j’arrive à contrôler dans tous les sens. Pour les cargos, on est en relation radio avec eux. On leur a demandé de ralentir pour nous laisser passer devant, pour d'autre on est passé derrière. Ca se passe super bien, en laissant des marges de sécurité. Donc aucun problème avec les cargos, mais aussi parce que le vent était bon.

Pendant cette traversée, qu’elle était ta condition physique ?
Ca fait 5 ans que je m’y prépare. Au départ j’étais vraiment dedans. Après la 2ème heure de vol, j’ai commencé à avoir des crampes, mais je m’étais bien préparé avec les médecins, la nutritionniste. J’ai suivi tous les conseils qu’ils m’avaient donnés au niveau de l’alimentation, des boissons que je devais prendre, des crèmes à me mettre. C’est pour cela que je suis arrivé à gérer les crampes. Tu es obligé de pédaler constamment, tu ne peux pas t’arrêter. Ah si …à un moment je me suis arrêter de pédaler car j’arrivais dans une zone de calme. Je me suis mis en équilibre, à 20m et j’ai fait une petite pause de 10mn. Sinon, j’étais assez content car j’ai fait
7h30 de pédalage non stop. Et cela s’est bien passé.
   
Comment as tu gérer ta nutrition pendant le vol ?

A un moment, je n’ai pas eu de bol, j’ai fait une connerie, j’ai fait tomber mon sandwich à l’eau. Alors j’ai renvoyé une corde au bateau d’assistance pour leur demander de me remonter un sandwich et là j’ai trouvé ça très amusant.
Sinon je mangeais essentiellement des barres de céréales et je buvais des boissons énergétiques. J’avais sur moi des petits morceaux de jambon de fromage, de chocolat. Plus le sandwich, car la nutritionniste m’avait dit qu’après 4h d’effort se serait bien de manger du salé.
 
As-tu rencontré des problèmes techniques ?
Non, aucun problème technique. J’ai beaucoup appris sur mon ballon. Si demain je devais retrouver un sponsor et le refaire, je referais sûrement une nacelle en faisant des petites modifications de confort de pilotage, mais qui sont importantes quand tu pédales 4 à 5 heures et dont tu ne t’en rends pas compte quand tu fais une heure ou deux. Mais là où j’étais le plus content c’est d’avoir prévu la procédure de dégonflage en l’air. Ainsi, on a pu dégonfler le ballon sur les bateaux d’assistance.
 
     
Lors de cette tentative la mer paraissait calme.
Oui, tout le long. Entre les deux rails on a eu une zone un peu bizarre. Vers les 12h30, je suis tombé dans une zone de calme assez importante entre ces deux rails ou j’avais des vents tombants. La j’ai commencé à m’inquiéter parce qu’il n’y avait pas un pet de vent, ou plutôt un petit vent qui tournait, et sur une zone hauts fonds. J’avais un peu peur qu’il y ait un thermique et en fait c’est effectivement ce qui s’est produit parce que 3 heures après le vent a changé.
Un thermique s’est développé sur cette zone de hauts fonds, il faisait très chaud, +20°C. Le vent a complètement tourné de 180° et je me suis pris le vent de face et
impossible de continuer. J’étais content de mon vol, mais pas de chance, le vent en a décidé autrement. Ce n’est ni la machine ni moi.
On a posé la nacelle sur un bateau, et le deuxième bateau s’est occupé du dégonflage de la toile. Les pilotes du bateau avaient déjà assisté à un dégonflage terrestre. Puis on a passé pas mal de temps pour étudier avec eux comment on pouvait faire avec les bateaux. On a mis en place une procédure. Tout le monde savait ce qu’il avait à faire. On avait bien déterminé les rôles de chacun, sachant que c’est toujours moi qui donnais les ordres.
   
On a eu juste à reproduire cela en pleine mer, et cela a fonctionné. Le ballon n’a même pas touché la flotte. J’étais assez fier de moi, tu vois. Quand tu construits, tu es aussi content des procédures que tu as mis en place pour les zones de sécurité. On a mis 5mn pour poser la nacelle et tout dégonfler. 15mn après on était parti, soit vers 15h45. Puis on est rentré sur Calais vers 16h45.
 
Quels sont tes projets et perspectives ?

Je pars au Kenya, avec la fondation Eco-sys. Cette association développe plusieurs programmes de sauvegarde de l’environnement, dont celui sur les requins-baleines au Kenya. L’objectif est de faire un super reportage au Kenya avec le ballon. Sur le blog il y a le programme de ce qu’on va faire.

Le but l’année prochaine est de voler au dessus du lac Magadi puis après faire un vol maritime au-dessus des requins-baleines et utiliser le chien de mer (CDM*). J’aimerais bien retravailler sur les vols maritimes au chien de mer, dans l’année qui arrive. Mais maintenant il faut trouver les sponsors pour financer ces projets.

Retrouvez le site de la fondation Eco-sys

(* CDM) : dérive qui est reliée par un câble à la structure du dirigeable et a la forme d’une aile courbe qui s’accroche dans l’eau.
   
Et la traversée de la Manche en pédalant ?

Si j’ai un sponsor, c’est sans problème avec un objectif de réussite à 100%. La pression ne sera pas la même. Il faudrait plus de moyen et plus de temps d’attente pour trouver un bon créneau météo. C’est un vol qui pourrait se faire plutôt vers septembre, car la météo est plus agréable. Le ballon est actuellement plié, la nacelle va sûrement servir sur un projet de ballon solaire. On est en train de voir pour construire une nouvelle nacelle, avec plus de confort de pilotage. La nacelle est assez lourde, elle fait 25kg. La prochaine je vais essayer de diminuer le poids et gagner 10Kg pour gagner du lest.

Merci Stéphane et à bientôt
   
Crédit photos : Benoit Lenne